En 1980 on a découvert une grave pollution de l'Estuaire par divers métaux lourds, en particulier le cadmium, métal très toxique. La pêche des coquillages le long des rives a depuis cette époque été interdite. Les études qui nous ont été confiées ont montré que ces métaux proviennent de la zone industrielle de Decazeville, dans la vallée du Lot. Ils sont apportés dans l'Estuaire avec les eaux et les sédiments de la Garonne. Les travaux d'assainissement qui ont alors été réalisés sur le site métallurgique responsable ont permis de limiter les flux de polluants dans le Lot, la Garonne, puis l'Estuaire. La contamination de l'Estuaire a progressivement diminué; elle n'est cependant toujours pas nulle, même à l'heure actuelle. Cela vient du fait que des sédiments pollués se sont déposés pendant des décennies au fond des rivières et de l'Estuaire. Enfoui dans les dépôts, le cadmium est peu mobile et pose donc peu de problèmes. Par contre, tout remaniement des dépôts à l'occasion de travaux divers entraîne un passage en solution du cadmium qui devient alors très toxique et très facilement assimilable par la faune aquatique, tout particulièrement les organismes filtreurs, comme les huîtres qui se développent naturellement à l'embouchure de la Gironde.
Dans le cadre du projet «
contournement autoroutier », des ouvrages importants seront construits
pour traverser l'Estuaire. Ils entraîneront des remaniements considérables des
fonds. En outre il est prévu d'utiliser au maximum les ressources locales pour
l'alimentation du chantier en matériaux. Il est donc évident que les graviers
fossiles du fond de l'estuaire seront exploités, comme cela avait déjà été
prévu et qui pour l'instant n'a pas encore été mis en oeuvre (voir
à ce sujet les actions menées par le collectif «Estuaire » qui s'est créé
à cette occasion). L'ensemble de ces travaux va inévitablement entraîner une
«réactivation» de la pollution en cadmium de l'Estuaire. En fait les
conséquences de cette pollution dépassent le cadre de l'Estuaire. En effet une
partie des eaux et des sédiments expulsés par la Gironde se retrouvent dans le
Bassin ostréicole de Marennes Oléron. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle
les huîtres de ce Bassin contiennent déjà des teneurs en cadmium légèrement
supérieures à celle des autres bassins ostréicoles Français et voisines voire
parfois supérieures aux normes imposées par la CEE. Tout accroissement de ces
teneurs va donc rendre ces huîtres impropres à la consommation. Les
conséquences économiques seraient tout à fait catastrophiques. C'est justement
cela qui avait amené les Présidents des Conseils Généraux de Charente Maritime
et de Gironde à s'opposer officiellement au projet d'exploitation des graviers
de l'estuaire. Il parait incompréhensible que ces conséquences soient
maintenant oubliées avec la mise en oeuvre du contournement
autoroutier.
25 mai
2006
Claude
LATOUCHE